Par Foued ALLANI
Souvent non rationnelle, la consommation, telle que pratiquée chez nous par les ménages, se présente aussi sous forme de pratiques à caractère pléthorique et non responsable. Pratiques marquées par les déséquilibres et pour la plupart d’entre elles pernicieuses, avec effets boule de neige sur plusieurs autres postes de consommation.
Pratiques devenues de mauvaises habitudes, comme déjà dit dans notre précédente chronique et qui été élevées au rang de valeurs, négatives cela va de soi, avec pour entre autres résultats des répercussions néfastes sur les budgets, le global et ceux par poste.
Résultats que l’on pourrait traduire par deux réalités qui ne sont autres que les deux faces d’une même médaille, le surendettement et la fonte de l’épargne, pour ne pas dire sa disparition. Quelque 800 mille familles tunisiennes, sont en effet, endettées auprès des banques, selon l’Institut national de la consommation (INS).
Situation à la fois problématique et inquiétante qui peut souvent s’avérer handicapante pour une bonne majorité d’entre elles car poussée aux limites du possible. Pire, car pour bon nombre de familles, cet endettement s’étend au-delà des banques pour solliciter les particuliers avec parfois leur soumission à des pratiques usurières.
Cela a eu pour entre autres conséquences visibles, le recul rapide de la grande catégorie socioéconomique, appelée classe moyenne et la paupérisation galopante de la population. Un mouvement qui a été déclenché au début des années 1980 qui s’est considérablement accéléré au cours des années 1990-2010, pour s’affoler depuis 2011.
Comme conséquences directes de ce phénomène nous en citerons deux qui sont, de l’avis des spécialistes, les plus graves, pour ne pas dire fatales, le recul de la consommation pour des postes ciblant des secteurs nationaux à haute valeur ajoutée (Habillement, cuir et chaussures, hygiène, culture,…) et la baisse de la production des élites.
Cela, sans oublier les conséquences négatives à caractère social telles que l’augmentation des divorces, de la délinquance juvénile et autres, de la criminalité, de la prostitution, de l’extrémisme religieux, ainsi que les pratiques suicidaires (suicides et tentatives de suicide) et apparentées, telles que les addictions de tous genres.
Une panoplie de fléaux tous à caractère violent, parfois très violent, dont le coût social et aussi celui et financier est très lourd et dont les conséquences sont tragiques car en passe de transformer le pays en une véritable porcherie.
Une tragédie dont le principal auteur reste l’ensemble de ces gouvernements qui se sont succédé aux commandes du pays depuis l’indépendance politique et illusoire du pays en 1956. Gouvernements dont les actions respectives ont été toujours caractérisées par l’empirisme, les solutions de rafistolage, le tâtonnement, les revirements spectaculaires, la frilosité, la soumission face aux diktats des lobbies, Le laisser-pourrir et bon nombre d’autres pratiques irresponsables et néfastes.
Cela s’est traduit par un désengagement rapide et mal calculé de l’Etat. D’un idéal assez bien concrétisé, celui de l’Etat-Providence, nous sommes rapidement passés à l’Etat-Parti , clientéliste à merveille et ayant instauré la «médiocratie» qui commença à se désengager en maquillant son forfait sous le fameux slogan «moins d’Etat, mieux d’Etat» pour nous livrer poings et pieds liés à l’Etat absent, pire à l’Etat-mafia.
Plusieurs secteurs ont été ainsi soumis à une destruction planifiée ou pire que cela désintégrés, pour les livrer émiettés aux particuliers, ou en gros morceaux aux capitaux et groupes familiaux, le tout sous contrôle de la mafia dirigée, entre la fin des années 1990 et jusqu’à 2010 par le chef de l’Etat en personne, puis par les petits caïds restés en place depuis 2011 et qui continuent de tenir l’économie du pays en toute quiétude.
Le désengagement a été violent et expéditif, avec pour premier objectif aboutir le plus rapidement à l’effritement des grands secteurs productifs ou renforçant ceux connus pour l’être, tels que le transport, l’éducation et l’enseignement, la santé, etc. Secteur caractérisés entre autres par la puissance de leur action syndicale donc à abattre.
Secteurs qui étaient presque totalement gérés par l’Etat, qui jouaient un rôle de moteurs pour l’économie et la mobilité sociale et qui offraient des services vitaux à prix très abordables et d’une qualité assez acceptable ou bien excellente dans certaines niches (universités, médecine de pointe et chirurgie,…)
Les effets de cette désolidarisation de l’Etat pour ne pas dire sa trahison, ont été quelque peu et pour un certain temps allégés par les entreprises, une réalité nous avons appelée, l’état de l’« entreprise providence » puis et après l’augmentation de la précarité du travail et celle du chômage, en nombre et en durée par personne, l’apparition d’une autre réalité que nous avons alors appelée l’état de la « famille providence ».
Un état qui peut aller jusqu’à des actes parfois suicidaires tels que le fait de marier le fils chômeur confirmé ou encore de vendre des biens pour financer les pires aventures, comme le fait de participer à de dangereuses tentatives de quitter illégalement le pays pour des eldorados chimériques.
Or, cette famille en passe de se voir disloquée, appauvrie, dépouillée de son autonomie, n’est plus en mesure de jouer ce rôle de « famille providence » et même de se maintenir en tant que telle. D’où la situation tragique dans laquelle nous baignons et qu’il faut à tout prix changer.
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